On pourrait croire qu’en pleine période de doutes, avec des exportations qui piquent un peu du nez et des RH qui marchent sur des œufs, c’est pas vraiment le moment de parler augmentation. Et pourtant. Chaque fin d’année, c’est la même histoire : les budgets sont revus, les chefs d’atelier font leur projections pour 2026, et les candidats hésitent. Faut-il oser demander ? Et surtout, comment ?
Dans un secteur qui tourne à la précision mais où les marges deviennent serrées, renégocier son salaire demande du timing et un peu de tact. Voilà de quoi préparer le terrain, sans phrases toutes faites ni recettes magiques.
Connaissez votre terrain de jeu : chiffres, tendances, contraintes
Avant même de penser à combien vous aimeriez gagner, il faut savoir où vous mettez les pieds. Le secteur horloger ne roule pas sur l’or en ce moment. Les exportations vers les États-Unis baissent, la Chine ralentit, et les douanes suisses viennent à peine d’obtenir un rabais sur les taxes US (39 % à 15 %, un petit mieux mais pas une révolution).
Résultat ? Les augmentations générales de salaires prévues pour 2026 tournent autour de 0,4 %. Pas de quoi claquer des doigts pour 10 % de plus.
Source: swissinfo.ch
Mais ce n’est pas une raison pour ne rien tenter. L’idée, c’est d’arriver préparé. Connaître les salaires moyens du secteur, savoir ce que l’entreprise peut raisonnablement faire, et utiliser les bons mots. Le mot “ajustement” est souvent mieux reçu que “augmentation”. C’est un détail, mais qui change beaucoup de choses. On ne parle pas de tout chambouler, juste d’aligner le salaire sur ce que vous apportez aujourd’hui.
Pas juste plus cher, mais plus utile : montrez ce que vous apportez
Le temps passé dans l’entreprise compte, mais ce n’est pas ça qui justifie une hausse de salaire ! Ce qui fait la différence, c’est ce que vous avez changé ou amélioré. Si vous êtes celui ou celle qui a fait gagner du temps sur une ligne, amélioré un process, évité des erreurs de montage, formé un nouveau… c’est là-dessus qu’il faut appuyer.
L’idée, ce n’est pas de tout formaliser dans un rapport PowerPoint. Il suffit d’arriver avec deux ou trois exemples simples et concrets. Un souci résolu, une machine que vous maîtrisez mieux que la moyenne, un client que vous avez aidé à fidéliser, une idée qui a fait gagner du temps à tout l’atelier. Et si en plus vous pouvez estimer ce que ça a rapporté ou économisé, même à la louche, c’est encore mieux.
Le bon moment, le bon angle : négocier intelligemment
Fin novembre et début décembre, c’est le créneau. Après, les budgets seront verrouillés. Donc c’est maintenant qu’il faut prendre rendez-vous si vous n’avez pas d’entretien de fin d’année.
Pendant l’entretien, oubliez la phrase “j’aimerais gagner plus”. Trop vague, trop risquée. Parlez plutôt de “faire le point sur ma situation” ou de “revoir ensemble mon positionnement”. Puis enchaînez avec vos éléments concrets : vos apports, vos responsabilités, ce que vous gérez aujourd’hui par rapport à ce que vous faisiez à votre arrivée ou l’année précédente.
Surtout, ne parlez pas que du fixe. Si le salaire ne peut pas bouger, peut-être qu’une prime, une formation, un jour par mois sur un projet spécial peuvent s’envisager. Ça montre que vous êtes pro, flexible, et que vous voyez plus loin que votre fiche de paie.
Et pendant qu’on est sur le sujet : évitez les menaces à demi-mot, du genre “je vais peut-être devoir envisager de partir si je ne suis pas augmenté”. Ce genre de conseil tourne pas mal dans certaines vidéos de négociations “à l’américaine”. Sauf qu’ici, ça ne passe pas. Ce genre de phrase, ça coupe la discussion net et vous desservira à l’avenir. Si un jour vous décidez de bouger, vous le ferez pour les bonnes raisons, pas comme un effet de levier en plein entretien.
Savoir planter une graine, même si elle ne pousse pas tout de suite
Et si on vous dit non ? Ce n’est pas une claque. C’est souvent juste un “pas maintenant”. À ce moment-là, l’important, c’est de ne pas partir bredouille. Vous pouvez poser une question simple : “Qu’est-ce qu’il faudrait que j’atteigne pour que cette demande puisse être revue dans 6 ou 12 mois ?”.
Vous ouvrez la porte à un plan d’évolution. Peut-être que ça passe par une formation technique, une prise de responsabilité, une montée en qualité. L’essentiel, c’est que vous ne repartiez pas avec un non sans rien derrière, mais avec une perspective.
Même quand la montre tourne à l’envers, on peut avancer
Renégocier son salaire dans un secteur qui serre les boulons, ce n’est pas facile. Mais ce n’est pas infaisable non plus. Ça demande un peu de préparation, une bonne lecture du terrain, et surtout une posture professionnelle : pas exigeante, mais juste. Et si jamais le moment ne s’y prête pas, vous aurez au moins montré que vous êtes au clair sur votre valeur.