D’où vient l’idée du salon RELuxury (première édition) ?

ReLuxury est une première. L’idée est simple : cela fait longtemps que je suis interpellée par notre manière de consommer, même si ça ne m’a pas empêchée d’être, disons, une « shopping addict », comme on dit. Une course effrénée à la consommation : nouveau sac, nouvelles chaussures, nouveau look. J’ai été victime de ce conditionnement de consommation et j’ai eu envie de changer les choses. Les produits de luxe offrent cette possibilité. Aussi, le salon ReLuxury était une évidence. Les valeurs du luxe, c’est la durabilité, la qualité, la transmission, la pérennité, l’éternité. Donc s’il y a bien une industrie qui doit être exemplaire pour la deuxième vie des objets, c’est bien le luxe. J’ai voulu créer un événement autour de cette thématique : « l’économie circulaire dans le luxe, ou le Re-commerce, l’upcycling, le recycling, etc… ». L’idée est de dire plutôt que d’avoir de beaux sacs, bijoux ou vêtements qui dorment au fond de nos dressings, ils ont une histoire, un vécu. Donc, l’idée serait de les remettre sur le marché pour que les gens achètent moins de produits neufs, et je pense que cela pourrait réduire considérablement notre empreinte carbone tout en se faisant plaisir.

J’ai aussi deux enfants de 15 et 25 ans qui me disent : « mais maman, ici à Londres, personne n’achète du neuf, et si tu achètes du neuf, tu es complètement ringarde »

Comment avez-vous construit l’offre du salon ?

J’aime bien prendre un sujet avec une approche à 360 degrés. Il y a une phrase qui dit : « quand tu regardes quelqu’un, tu n’en vois que la moitié », et moi j’aime bien voir l’autre moitié des gens ! J’ai donc voulu prendre plusieurs angles : c’est quoi l’économie circulaire ? C’est quoi consommer de manière responsable ? L’idée était de dire : voilà, on a aujourd’hui des acteurs dans le luxe qui sont des marquesréférentes et qui pourraient venir participer à un événement comme celui-là, avoir des acteurs de cette nouvelle économie qui vendent des objets de seconde main, des experts de la traçabilité de la certification. Aujourd’hui, il y a un énorme sujet de réassurance du client sur la seconde main (d’où vient le produit ? Est-il authentique ?) et également de la réparation des objets: si on achète un objet, on doit être capable de le réparer de manière qualitative, avec des artisans capables non seulement de réparer, mais aussi de recycler, d’upcycler… de donner une nouvelle vie à nos objets.

Nous avons fait venir des artisans qui sont incroyables : ils réparent, personnalisent ou sont capables de vous restaurer en les customisant des sacs abîmés, etc. Nous avons créé un espace dédié « La clinique des artisans de la restauration et de la réparation ». C’est une sélection des meilleurs artisans Genevois en collaboration avec la Michelangelo Foundation (que j’ai co-dirigée de 2015 à 2020) et l’association des métiers d’art Label Genève.

 

Comment avez-vous mobilisé les marques (et il reste du chemin !) ?

Les marques, c’était assez compliqué, parce que je me suis aperçue que la plupart d’entre elles ne sont pas encore tout à fait prêtes , même si certaines ont cela dans leur ADN sans nécessairement le faire de manière affichée. Par exemple, la première marque qui nous a rejoint, c’est Richard Mille, parce que c’est une marque qui s’occupe du Pre-Owned depuis le début. Les meilleurs sont ceux qui pensent leur produit comme « éternellement réparable ». Les gens sont en attente de voir ce que va devenir ce salon, car c’est une première : Richard Mille, Zenith, Chronoswiss sont là. Aujourd’hui encore ce marché est essentiellement opéré par des plateformes leader : évidemment Ebay, qui est multisectorielle, mais aussi WatchBox, WatchFinder, Crésus pour l’horlogerie, et pour la joaillerie, il y a des plateformes comme Castafiore, 58 Facettes qui ont décidé de rentrer dans l’aventure…

 

Félicitations déjà, la communication est incroyable ! Quel est le défi du deuxième salon ?

Cette première édition a été un grand succès avec plus de 4’000 visiteurs en 4 jours, une couverture media incroyable et de très bonnes affaires générées par les participants à cette exposition. De très belles pièces ont été vendues, mais aussi des bijoux et de la mode vintage, des sacs à main de marque ont été achetés, mais aussi sourcés par les exposants qui étaient là aussi pour expertiser des pièces à racheter et trouver de nouveaux clients. Clients qui sont venus en nombre faire évaluer et revendre certaines de leurs pièces, montres, bijoux, sacs à main… le début d’une économie vertueuse, circulaire et prometteuse. Tout ce que j’avais espéré !

Des artisans heureux d’avoir pu présenter leur savoir faire et qui ont rencontré plein de nouveaux clients, et des conférences ouvertes à tous avec les experts acteurs de cette nouvelle économie, la Fondation Origyn qui fait des passeports biométriques pour les objets de luxe , mais aussi toutes ces start up qui viennent proposer leurs solutions innovantes pour mieux fabriquer et surtout mieux consommer le luxe.

 

Pourquoi Genève et pas Paris ?

C’est une très bonne question, parce que Genève, c’est chez moi !! Blague à part, Genève est un baricentre du luxe, et mon réseau est vraiment horlogerie, joaillerie à Genève. C’est aussi la capitale mondiale de l’horlogerie. Je trouvais intéressant de créer cette première dynamique ici. C’est aussi qu’on le veuille ou non une plateforme pour la clientèle de luxe, collectionneurs, ventes aux enchères, on va dire qu’il y a un écosystème de l’horlogerie. La suite pour moi, c’est déjà interpeller les gens sur l’économie circulaire dans le luxe, de mettre ensemble des secteurs qui n’ont pas forcément l’habitude d’être ensemble, l’horlogerie, la mode, la joaillerie, l’art, etc. Je voulais aussi avoir une section sur les voitures de collection, qui est une vraie tendance, par exemple Porsche Classic représente 30 % du chiffre d’affaires de Porsche aujourd’hui. Donc voilà les prochaines étapes, mais aussi voyager, par exemple à Paris, Londres, Miami, Dubaï pour aller à la rencontre de tous ces publics et clients du Luxe car Reluxury est vraiment penser à destination des clients finaux.

 

Quels sont les métiers de la seconde main que tu as identifiés ?

Il y en a dans tous les domaines et tous les matérieux: vous avez des bottiers, des tailleurs, des maroquiniers, des menuisiers, des selliers, des lunetiers, des façonniers, des émailleurs, des graveurs, des designers, des artistes peintres, etc…. Par exemple, vous avez un sac avec une tache et vous pensez ne plus le porter ou jamais pouvoir le revendre, et bien grâce à la customisation, vous repartez avec un sac unique. En fait, le champ des possibles est immense, et c’est ce que j’adore, car on n’est pas cloisonné et on laisse la part belle à l’innovation, la créativité. Dernier exemple : vous avez l’atelier Émeraude qui reprend vos vêtements et vous en fait d’autres, vous avez des bijoutiers qui reprennent vos bijoux en or qui ne vous plaisent plus, et vous dessinez un autre bijou qu’il vous fait à partir de l’ancien, vous ne payez que la façon ! Il y a mille possibilités avec l’économie circulaire.

ITW par Raphaël Hatem & Alexis de Prévoisin
Photo : Raphaël Hatem