RENCONTRE : Rencontre avec un horloger, expert en horlogerie ancienne, Giuseppe Sciascia.

Giuseppe travaille pour Jaeger LeCoultre et raconte l’horlogerie mieux que personne. Il m’a reçu dans son atelier éphémère sur Watch & Wonders pour parler de son métier. Interview

Quel est votre métier, Giuseppe?

[Giuseppe Sciascia]: Je suis en quelque sorte garant de l’exactitude des recherches historiques pour le département Héritage. Expert en horlogerie ancienne, mon travail consiste en l’identification des mouvements, des modèles et des pièces de nos collections. Je consulte également les archives de la Manufacture afin de réaliser les extraits d’archives des clients et m’efforce à maintenir notre collection en état de fonctionnement, tout en étant l’interlocuteur technique pour les Maisons de vente.

Mon travail touche également au rachat de collection et de pièces pour le patrimoine. Des montres, montres de poche, pendules, ou encore notre Atmos ! Dans les nombreux objets insolites de cette collection, nous avons un petit appareil photo grand comme un paquet de cigarettes, dont les mécaniques ont été faites par Jaeger-LeCoultre.
Enfin, je suis en support des équipes SAV pour toutes les pièces que nous appelons Frankenstein, pour donner suite à des réparations, montage ou démontage.

 

Quelle est exactement votre fonction?

Je travaille au service marketing et patrimoine sous la direction de Mathieu Sauret avec une petite équipe, sous l’impulsion de Catherine Renier, notre CEO. Nous avons une position “cachée” mais nous sommes garants de l’histoire et du marketing de la marque. Notre marque de fabrique et d’être des créateurs fabricant et distributeur d’un produit horloger, 100 % manufacturé de haute horlogerie, et sans doute l’un des meilleurs rapport qualité prix du marché pour ce niveau de design et mouvement. Nous créons les quatre grandes complications depuis toujours et historiquement l’horloger des horlogers… Notre Maison a la particularité d’être en mouvement permanent, et toujours très créative.

 

Quel a été votre parcours professionnel?

Mon parcours a commencé par une scolarité à la Vallée de Joux. Puis, à l’école technique, en travaillant les week-ends pour Breguet à l’aiguillage, ce qui m’a beaucoup appris sur la rigueur et la méticulosité de ce métier. Après un CFC d’horloger rhabilleur, je suis entré chez Audemars Piguet où j’ai fait le tour des ateliers : du montage jusqu’au SAV. Le SAV est pour moi le “Graal de l’horloger” car vous devez savoir tout faire.
J’ai eu la chance d’avoir de très bons professeurs qui m’ont tout donné dans une industrie plutôt cachottière. De Jacques Raymond, Regis Meylan et Francisco Pasandin , j’ai reçu par transmission orale et écrite et surtout par passion. Tout le savoir-faire que j’ai acquis à ce jour, je tâche de le transmettre au mieux. Après 17 ans chez Audemars Piguet, j’ai rejoint Jaeger LeCoultre à l’occasion de portes ouvertes qui m’ont fait découvrir cette entreprise que je connaissais de l’extérieur. J’y suis entré en 2012 comme horloger SAV puis responsable technique des réparations montres anciennes et par la suite formation et réalisation de devis, ce qui m’a permis de me rapprocher du Patrimoine où j’ai découvert la richesse de notre histoire, de nos archives, le travail accompli par mes prédécesseurs. Tout cela m’a permis d’aider mes collègues à la réalisation de notre livre Collectibles, livre collections qui met en avant notre patrimoine… Et c’est mon plus grand bonheur (sourire). Je suis devenu l’Indiana Jones de l’horlogerie d’après la journaliste Barbara Ainis. (ref. art. Clepsidra 2018).

 

Quelles compétences et background faut-il pour arriver à votre fonction?

Pour travailler dans cette industrie, je dirais qu’il faut d’abord être passionné, un brin chercheur et d’une grande curiosité. Au sein de mon poste, il faut aimer ouvrir des portes, aimer l’histoire et les histoires, aimer jouer aux archéologues de l’horlogerie pour parfois reconstituer l’histoire d’une pièce. Maintenir en vie la collection, remettre en état des pièces des années 1918, en imaginant l’horloger donner vie à son mouvement à la lumière d’une lampe à pétrole me fascine.

 

Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs pour travailler dans cette industrie et à cette fonction?

Si je devais prodiguer un conseil à quelqu’un dans cette industrie, je lui dirais d’avoir une bonne connaissance de sa culture, de s’intéresser aux mécanismes horlogers de manière générale, et d’être déjà un peu collectionneur ! Quand vous entrez dans le musée Jaeger-LeCoultre, les deux premières vitrines sont incroyablement chargées d’histoire et disent tout au premier coup d’œil: 1847 montrer le premier mesureur du micron qui a permis d’établir les bases d’une industrie de mesure équivalente pour tous (penser au sous-traitant !) et ensuite une vitrine de la montre avec son système de remontage à bascule démontre déjà l’inventivité utile et le savoir-faire horloger.

 

Votre montre fétiche?

Master Grande Tradition Tourbillon Cylindrique, Quantième Perpétuel! La Freedom collection de Romain Gauthier. C’est un ami d’enfance qui a créé une marque et des montres d’une telle élégance que je ne peux qu’être admiratif.

 

Comment voyez-vous l’évolution de votre profession?

Avec le temps qui passe, c’est aux Hommes d’aujourd’hui de faire l’histoire de demain. Personnellement, je ne suis que de passage et l’évolution de ce poste se fera avec l’histoire passée, présente et future de la marque.

 

Votre plus belle émotion horlogère?

La découverte de ma montre école décorée.

 

Comment voyez-vous l’expérience client dans cette industrie?

Indispensable!!! C’est une vitrine pour faire découvrir notre Histoire notre savoir-faire, 180 métiers qui permettent de comprendre le travail autant technique qu’artistique réalisé sur nos garde-temps.

 

Un avis sur la GenZ, comme future clientèle?

De plus en plus de jeunes s’intéressent aux montres, certains pour le mécanisme d’autres pour le design ; ce sont les clients de l’horlogerie suisse de demain. Jaeger LeCoultre possède une grande collection vintage, ce qui nous permet d’avoir plus de visibilité auprès des jeunes.

Portrait de Giuseppe Sciascia

Source image: Jaeger LeCoultre et laclessidra1945.it

Propos recueillis par Alexis de Prévoisin –  Communication manager et Business consultant retail, spécialiste expérience client (auteur de Retail Émotions).