RENCONTRE: Estelle Lagarde dessine et les sublime les montres en tant que gouacheuse!
La discipline d’illustration et de dessin sur montre apparaît au XVII siècle avec la création des montres elles-mêmes. Gouacher les montres fait partie de l’histoire et des codes de l’horlogerie avec pour objectif de faciliter la fabrication, les archives et la vente des montres. Rencontre avec une personnalité autour de ce métier dans la création du paysage horloger.
Quelle est votre activité, Estelle Lagarde ?
[Estelle Lagarde]: Je suis gouacheuse et designer de montre à mon compte depuis 3 ans. Je travaille pour les maisons de haute joaillerie et horlogerie en sous -traitante. J’ai participé au lancement de la tourbillon de BA111OD, ainsi que des modèles de grandes maisons. Je travaille dans la partie Design et Studio pour dessiner les créations juste après le design pour rendre « réelle une création ». Le but d’une Gouacheuse, c’est de rendre réaliste dans ses déclinaisons une montre : dessin réaliste pour la fabrication, dessin de présentation commande, dessin de commande sur mesure, et dessin de culture horlogère. Pour vous donner une idée, un dessin représente en moyenne 60 heures de travail.
Quel est votre métier, votre fonction et votre actualité dans votre entreprise ?
Je dessine pour donner du contenu à l’idée pour faciliter la production et la commercialisation des montres. Les dessins sont à échelle 1 en joaillerie, et échelle 1,5 dans la montre. La gouache, c’est une technique historique, teintée d’émotions dans le produit : nous travaillons à transmettre cette émotion par le produit lui-même. Je re-transcris les volumes et les matériaux, et les dessins peuvent être noir et blanc ou en couleur, et éventuellement signés. Mon travail s’organise suivant les périodes de collection : octobre et janvier, puis avril fin d’été pour 12 mois en amont de la prochaine collection. Les projets réalisés appartiennent tous ensuite aux maisons.
Quelle place tient votre fonction dans la chaîne de valeur et création en horlogerie ?
Gouacheuse, c’est « l’émotionnel de départ », la vibration 2D avant la fabrication 3D. Cette méthode ancestrale initie tout le processus de création, jusque-là vente ! C’est de la peinture, de l’art horloger et des archives pour toujours ! Regardez les dessins de Gerald Genta, ils se sont vendus une fortune comme des œuvres d’art. Oui j’aime l’idée de cet art horloger.
Quelles qualités, compétences et background faut-il pour arriver à votre fonction ?
Les compétences sont simples : il faut être précise et patiente. Il faut aimer l’art et le dessin. J’ai un CAP et un brevet des métiers d’Art à Valence, une très bonne école. Certaines écoles ont de très belles réputations et je recommande la créative Academie de Milan, filière du groupe Richemont dans ce métier. J’ai travaillé chez Van Cleef puis j’ai appris l’émail sur cadrans de montre et puis je me suis mis à mon compte dans ce métier. J’ai eu un vrai coup de cœur pour la peinture lorsque j’ai découvert cette matière à l’école : un professeur m’a littéralement poussé vers la peinture et m’a beaucoup soutenu, et je travaille comme un peintre horloger.
Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs pour travailler dans cette industrie et à cette fonction ?
Ce métier est le reflet de ma personnalité et de mes besoins je pense. C’est un métier accessible et la technique s’apprend : c’est une matière à dompter ! J’ai monté mon propre site de formation qui se compose de 80 cours en 3 packs : je donne des cours parce que c’est ma passion !
Votre maxime sur le temps ?
Il faut laisser du temps au temps ! Il n’y a pas de style de montre que je préfère. Je les aime toutes, elles ont toutes des choses intéressantes à regarder, parfois c’est la mécanique qui est incroyable, parfois les techniques d’arts, et maintenant la technologie ou le design .…
Un avis sur les NFT dans votre métier ?
Oui à condition pour l’instant de jumeler réel et digital : c’est-à-dire un dessin et un droit réel. J’ai du mal avec le fait de faire des choses sans rien apporter au monde réel.
Propos recueillis par Alexis de Prévoisin – consultant Expérience Client, Retail, auteur de “RETAIL ÉMOTIONS, retail in motion”. Community manager indépendant pour Job Watch