Tout le monde en parle sur le salon Watches and Wonders… et chacun retient son souffle, le temps de la promotion et de l’événement festif qu’est le salon.
Regardons les choses en face : le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche s’accompagne d’un programme commercial musclé, annoncé et bientôt concret : surtaxes douanières « réciproques » sur les produits importés. Et l’un des premiers secteurs visés est… l’horlogerie suisse, exportée à 95 % dans le monde.
En 2023, les montres suisses ont battu des records
26,7 milliards CHF exportés, dont 4,16 milliards rien qu’aux États-Unis (+7 %). Les États-Unis ne sont pas seulement un client : c’est le premier marché du secteur.
Et maintenant ?
Trump applique sa propre formule magique (source : TTSO France) :
Tarif douanier = Déficit US / 2 x Montant importé
(ou pour les matheux : D / 2M)
Exemple : déficit vis-à-vis de l’UE = 235 Mds € / importations = 600 Mds €
⇒ 235 / (2 x 600) = 19,6 % de surtaxe.
Une méthode peu orthodoxe… et attribuée, selon son équipe, à ChatGPT.
Quels risques pour l’horlogerie suisse ?
On a fait le calcul chez Job Watch (source : Alexis de Prevoisin) :
• Une montre vendue 700 $ passerait à 850–900 $. Résultat : perte de compétitivité face à Seiko, Apple Watch ou Casio.
• L’entrée et le milieu de gamme, essentiels pour la diffusion mondiale, seraient les premières victimes.
• Le haut de gamme tiendrait, mais un client capable de dépenser 100 000 $ peut aussi… attendre, arbitrer, voire acheter ailleurs.
La chaîne est fragile et l’impact serait :
• Recul des volumes = pression sur les marges
• Réseau US fragilisé = perte de visibilité
• Hausse des prix = distorsion de l’expérience d’achat
Et les options ?
Produire localement ? Seuls quelques groupes (ex. LVMH) ont des unités aux US.
• Diversifier vers l’Asie ? Stratégiquement logique, mais géopolitiquement incertain, avec un recul des ventes depuis 12 mois. Et l’Europe ?
• Monter en gamme ? Quasi impossible après la flambée des matières.
• Absorber les taxes ? Peu tenable à long terme.
C’est donc l’entrée de gamme qui va se trouver boostée, et les marques iconiques de l’high luxury ne verront même pas le changement !
Plus que jamais, c’est le rapport qualité/prix et la désirabilité qui feront la différence.
Dans l’horlogerie, ce sont souvent les silences du marché qui inquiètent le plus : perte de désir, désengagement progressif, glissement invisible du pouvoir d’achat.
À surveiller de près : la perception client. Qu’on se le dise.
Article par Alexis de Prevoisin, expert retail et auteur de Store Impact & Retail Emotions